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Campana
de et par Titoune, Bonaventure Gacon, Thomas Barrière et Bastien Pelenc
Dans ce terrain improbable, souvent vague où, pour l’occasion, on a dessiné un cercle comme pour mieux le définir, le rassembler, l’éclairer.
Quand le cercle est là, les êtres avec œil et cœur sont là, coude à coude, regardent le geste, écoutent le silence, le claquement du bruit, le verbe, la musique, alors…
Alors on tente, nous tous, en rond, avec l’acrobate, le clown, le salto, l’apesanteur, le danger, de tordre la réalité, de la repousser, de la braver pour qu’apparaisse, juste un instant, l’étincelle dans l’œil qui soudain devine l’incommensurable : le cirque.
Alors, avec une tente, quelques cordes sur un violon, un tambour, une musique au galop, avec nos mains, nos regards, nos os, du très haut aux bas-fonds, du trapèze à la main rattrapée, de l’étonnante pirouette aux maladroites prouesses, avec soulier verni ou pas, avec bousculades et glissades ridicules, avec instants suspendus, accolades, disparitions, rôle à jouer et à déjouer, avec une sacrée énergie, et une envie de rire, de surprendre, avec tout cela nous allons sonner « la Campana ».
Journal
« Ha oui, nous avons fait un rêve…Les uns, les messieurs, ne voulaient pas enlever leurs chapeaux au prétexte qu’il y avait des patates (terreuses) en équilibre sur le bord et qu’elles risquaient de tomber.Les autres râlaient tout en criant et en frappant le sol des pieds, ils s’arrachaient les cheveux sans s’apercevoir que les fourmis se trouvaient alors dans une situation délicate. Bref ils nous cassaient les oreilles.Il y avait beaucoup de lumière, presque trop !Pourtant ce n’était pas des animaux bordel ! A part peut-être celui qui ressemblait à un chien, l’autre à un chameau, sans parler de l’édenté et de celle qui portait des palmes.Comment faire avec toutes ces sucreries ? Il y en avait beaucoup trop !Et puis notre rêve s’est comme apaisé, quelqu’un s’est mis à glousser, le reste des fourmis a pu regagner la cime des arbres, un petit sifflet tremblotant s’est fait entendre, il était drôle, plus troll que tout.Une vague de fou rire nous a tous submergé.Quelle rigolade, profusion d’émotions, impossible de reprendre son souffle, larme à l’œil. Tellement de rires… on en pouvait plus !En sueur, déconcertés, les yeux ronds nous sommes enfin réveillé ».Cirque Trottola – juillet 2020“ Les mérites du Cirque honorent deux grandes actions : voyager et rassembler les gens.
Il se trouve que pendant les épidémies les deux sont interdits !
Donc pied à terre !
Camions et caravanes sont stoppés, on a débranché les batteries des moteurs, déficelé ce que l’on avait noué, remisé, rangé, réparé, repeint, comme un cirque d’antan se prépare pour hiverner.
Une fois fait, le cœur gros, on a répondu vaillamment aux villes qui tour à tour annulaient notre venue.
L’administrateur du cirque a essayé au mieux de comprendre, démêler éclairer et sauver les meubles face à la tempête administrative, financière, gouvernementale, un vrai bazar ; à l’entendre on l’aurait cru dans les sous sol d’une cité administrative affrontant un énorme paquet de nœud avec comme copains Kafka et Ubu.
Et puis on s’est remis aux répétitions car en acrobatie si on s’arrête de trop, soit on ne s’y remet jamais, soit la reprise est un vrai calvaire.
On cherche de nouvelles idées, on bricole, on va faire des courses, on fait le ménage, bref on a une vie normale. Le vague à l’âme s’installe.
Quelque chose manque.
Un matin, histoire de voir s’ils tournaient bien je suis allé démarrer les camions… cette vérification n’en était pas vraiment une c’était de la nostalgie.
Un cirque ça ne sert à rien, c’est fait pour rigoler, s’émouvoir, frissonner et puis il s’en va, il nous rappelle au rien.
Mais un cirque à l’arrêt !
C’est quoi ? Ça raconte quoi ?
Ça ne coud pas de masques.
Ne transporte pas de malade.
Il est comme un vase sur la commode, mais sans les fleurs, il encombre !
A la radio, la télé, ils ne parlent pas des cirques, ils parlent de la culture : du théâtre, du cinéma, des stades, des boites de nuits, de l’opéra mais pas du cirque, encore moins des petits cirques sans soutiens ni subventions…
L’atmosphère où tout est suspendu est plutôt agréable quand même, tout c’est arrêté !
On se croirait aux côtés d’Angelo au 19ème pendant l’épidémie de choléra dans le livre de Giono Le Hussard sur le Toit. On a enfin freiné et c’est bien, puisque on en parlait depuis longtemps…
Un jour on s’est levé on a ressorti et fait sonner la cloche du Cirque ça nous démangeait trop.
Bref on a hâte de repartir de retrouver la route notre vie ! ”
Bonaventure Gacon – 28 avril 2020 – 43ème jour de confinement suite à la pandémie du COVID-19